Prendre soin de l’âme
5La portée thérapeutique de la philosophie se conçoit également du point de vue de son objet, qui ne peut finalement être autre que l’âme elle-même. Si la raison est en quelque sorte le moyen de la morale, c’est-à-dire la faculté qui permet de distinguer le bien du mal, l’âme est effectivement le lieu où se décide si l’homme est moral ou ne l’est pas. L’objet de la philosophie pratique est donc l’âme, tandis que la rationalité serait plutôt le moyen de la perfectionner.
6Le sens d’une philosophia medicans découle alors tout entier de l’idée qu’une âme immorale est une âme malade, et la philosophie antique conçoit effectivement que les défauts de raison morale sont un problème de santé. Cicéron écrit clairement qu’une âme « (…) agitée et entraînée loin d’une raison complète et ferme y perd non seulement l’accord avec elle-même mais la santé. »6 Il n’en reste pas moins que les maladies de l’âme sont souvent évoquées par comparaison avec celles qui affectent le corps. « De même qu’il y a dans le corps maladie, faiblesse et vice, - rappelle encore Cicéron7- de même ils sont dans l’âme. » Diogène Laërce use de la même comparaison : « Comme on parle des infirmités du corps, la goutte, le rhumatisme, il y a aussi dans l’âme l’amour de la gloire, le goût du plaisir et choses semblables. »8
7Il était prévisible que les prétentions thérapeutiques de la raison philosophique la mettent en demeure de s’expliquer sur son pouvoir de soulager les corps. Mais ce n’est là que comparaison, et l’on aura bien compris que l’objet de la philosophia medicans est seulement l’âme, sans que les pathologies auxquelles elle prétend pouvoir porter remède ne se rapportent directement à l’ordre corporel. C’est là ce qui distingue la philosophie de la plupart des autres pratiques de soin, puisque, dans le voisinage de la psychanalyse, ce sont tout d’abord les maux de l’âme qu’elle peut espérer soulager. En effet, « Dans les textes antiques qui assimilent la philosophie à une activité d’ordre thérapeutique, l’objet supposé ou déclaré de cette activité est l’âme, de même que celui de la médecine au sens propre est le corps. »9
8Il n’est cependant pas bien sûr que certaines pratiques corporelles ne requièrent pas un travail intérieur dont la philosophie donne parfois l’impression d’avoir le monopole. Les soins corporels ne sont effectivement pas si peu philosophiques qu’il pourrait de prime abord le sembler, et en ce qui concerne les pratiques orientales notamment, il se trouve que les états de la conscience sont une catégorie cardinale de leur exercice.10 La philosophie envisage certes la santé relativement à la nature incorporelle de son objet, mais elle donne aussi un fondement aux pratiques corporelles issues de civilisations non encore averties des exigences du dualisme cartésien. Il est vrai que, dans une épistémologie toute orientale, et lorsque les états du corps dépendent de ceux de l’âme, les pratiques corporelles ne peuvent plus être envisagées indépendamment de la philosophie.11
9De la même façon, le platonisme dévalorise le corps sans le séparer de l’âme et, contrairement à ce que l’on a parfois l’imprudence de prétendre, une telle dévalorisation n’implique aucun dualisme. A notre avis, l’ascendant que l’âme platonicienne exerce sur le corps tient même à un modèle philosophique comparable à celui des pratiques orientales. Dans le platonisme en effet, nous voyons que « Le corps est proposé à l’âme comme une matière qu’elle devra sans cesse façonner à sa propre ressemblance, après qu’elle-même aura imité les Formes. L’âme a pour office de faire pénétrer les lois immuables de l’harmonie, qui règnent sans contestation dans le monde céleste, en elle-même et dans le corps. Par la gymnastique et par la danse, elle fait imiter au corps les belles mœurs et les beaux caractères qu’elle-même a obtenus en imitant les Formes. D’où l’obligation « de ne jamais mouvoir l’âme sans le corps, ni le corps sans l’âme », « si l’on veut être appelé à bon droit à la fois beau et bon, au vrai sens de ces mots ». »12 Le parallèle avec les pratiques orientales saute aux yeux, car il s’agit effectivement toujours de soumettre le corps aux décrets d’une instance d’un autre ordre que lui. C’est par exemple « […] un fait que, dans le Yoga, la spéculation sur l’âme constitue la fin ultime. »13
10En contexte antique comme en contexte oriental, l’âme est donc le véritable objet de la pratique corporelle, toute la complexité de la question tenant au fait que le corps tend à s’imposer comme support de ce perfectionnement intérieur. Platon éclaire alors toute la différence qu’il y a entre de telles pratiques et la simple activité physique, décrivant l’homme sensé comme celui qui n’a pas égard « […] à la santé, ni à ce qui peut le rendre fort, sain et beau, s’il ne doit par là devenir tempérant ; mais on le verra toujours régler l’harmonie du corps pour maintenir l’accord parfait de l’âme. »14
Les maladies de l’âme
11Quoi qu’il en soit, la philosophie antique ne prend pas véritablement le corps comme objet, et le conçoit même explicitement comme un mode d’être inférieur. L’homme Grec est d’abord une âme, et n’est par là même que peu porté à l’étude de « […] ce fardeau que nous portons avec nous et que nous appelons le corps, et où nous sommes emprisonnés comme l’huître dans sa coquille. »15 L’ambition thérapeutique de la philosophie se porte donc essentiellement sur l’âme, dont la nature complexe permet de concevoir en quoi peut consister sa maladie. L’âme antique est effectivement composée de différentes parties, entre lesquelles est établie une hiérarchie qui permet seule de comprendre dans quelle mesure la philosophie peut la tenir pour malade. Platon donne une des plus emblématiques formulations de cette particularité de l’âme humaine, laquelle comprend donc essentiellement « […] deux parties : l’une supérieure en qualité et l’autre inférieure ; quand la supérieure par nature commande à l’inférieure, on dit que l’homme est maître de lui-même – c’est un éloge assurément ; mais quand, par le fait d’une mauvaise éducation ou de quelque mauvaise fréquentation la partie supérieure, qui est plus petite, se trouve dominée par la masse des éléments qui composent l’inférieure, on blâme cette domination comme honteuse, et l’on dit de l’homme dans un pareil état qu’il est esclave de lui-même et déréglé. »16 Il est par exemple possible de dire que « […] l’âme de celui qui a soif, en tant qu’elle a soif, ne veut pas autre chose que boire ; c’est là ce qu’elle désire, ce vers quoi elle s’élance. Si donc quand elle a soif quelque chose la tire en arrière, c’est, en elle, un élément différent de celui qui a soif et qui l’entraîne comme une bête sauvage vers le boire ; car, avons-nous dit, le même sujet, dans la même de ses parties, et relativement au même objet, ne peut produire à la fois des effets contraires […] Maintenant, affirmerons-nous qu’il se trouve parfois des gens qui, ayant soif, ne veulent pas boire ? Eh bien ! repris-je, que dire de ces gens là sinon qu’il y a dans leur âme un principe qui leur commande et un autre qui leur défend de boire, celui-ci différent et maître du premier ? Or le principe qui pose de pareilles défenses ne vient-il pas, quand il existe, de la raison, tandis que les impulsions qui mènent l’âme et la tirent sont engendrées par des dispositions maladives ? »17 Ces « dispositions maladives » permettent de saisir les grands traits d’une psychologie antique, et font déjà entrevoir quelle contribution la philosophie peut apporter à une pratique de santé.
12Cette psychologie présente l’âme comme « […] une espèce de bête multiforme et polycéphale, ayant, disposées en cercle, des têtes d’animaux dociles et d’animaux féroces, et capable de changer et de tirer d’elle-même tout cela. »,18 comme un composé polymorphe dont les principales instances sont la raison et les passions.19 Le drame de l’homme se devine à la lumière de l’incompatibilité entre les différentes puissances qui cohabitent en son sein, la raison posant le plus souvent des décrets qui contredisent la pente naturelle de ses désirs. La portée thérapeutique de la philosophie se fonde sur l’hypothèse d’une hiérarchie naturelle entre ces deux instances de l’âme, la domination de l’epithumia, c’est-à-dire le siège des désirs, étant alors considérée comme une véritable maladie. Nous avons déjà vu que pour Cicéron, « […] une âme agitée et entraînée loin d’une raison complète et ferme y perd non seulement l’accord avec elle-même mais la santé. »20 « Car la pitié, – écrit-il encore – l’envie, la joie folle, le contentement, voilà ce qu’en Grec on appelle des maladies, mouvement de l’âme n’obéissant pas à la raison […] »21
La maladie du désir
13Epicure relève quant à lui quatre principales sources de maux, à savoir la crainte des dieux, la crainte de la mort, l’illimitation du désir et l’incapacité d’endurer.22 La troisième source paraît de loin la plus profonde, et semble d’ailleurs avoir si bien su résister au temps que nous sommes encore portés à y voir la plus emblématique des passions. Nulle autre ne semble effectivement aussi forte que les désirs, et c’est finalement bien là que les philosophes de l’antiquité ont conçus le siège des maladies de l’âme.
14Epicure oppose les désirs vains aux désirs naturels et, parmi ces derniers, distingue ceux qui sont nécessaires23, car seuls les désirs à la fois naturels et nécessaires semblent ne pas devoir troubler l’âme et menacer l’hêgemonikon de la raison. Une légère introspection suffit à avérer l’inaltérable pertinence de cette psychologie, car nous ne sommes pas sans quotidiennement éprouver la concurrence que nos désirs font à ce qu’il serait pourtant raisonnable de souhaiter.
15Au-delà du conflit d’intérêt qui déchire les différentes instances de l’âme, il reste encore à montrer que les passions sont une maladie, et que le désir qui s’y rapporte – le désir naturel en somme - ne renferme aucune promesse de bonheur24. C’est certainement de ce point de vue que la psychologie antique est la plus démodée – la plus intempestive aurait dit Nietzsche - puisque l’heure semble définitivement venue de « se faire plaisir » sans « se prendre la tête »… entendez sans solliciter le conseil de la raison. Calliclès défendait d’ailleurs déjà la même idée, celle « […] de vivre dans la jouissance, d’éprouver toutes les formes de désirs et de les assouvir – voilà, c’est cela, la vie heureuse ! »25 Socrate fait alors remarquer que si le bonheur est dans n’importe quel plaisir, on ne peut alors être heureux sans s’exposer aux inconvénients de la dépravation, ce qui est finalement contradictoire.26 Les véritables plaisirs ne sont au contraire précédés d’aucune douleur et d’aucun besoin, car seuls ceux dont la privation n’est pas douloureuse procurent des jouissances « pures de toute souffrance ».27
16Cette conception d’un plaisir sans désir préalable est fort éloignée de l’idée que l’on se fait aujourd’hui de l’épicurisme, puisque un épicurien est désormais pour nous celui qui cueille le jour en y goûtant les fruits qui satisfont son désir naturel. Or le plaisir que recommande Epicure n’est manifestement pas du même ordre que ce qui en est venu à porter son nom, et les Sentences Vaticanes nous sensibilisent au contraire à l’impérieuse nécessité de poser des limites au désir. L’illimitation du désir promet effectivement davantage de trouble que de plaisir, car « Rien n’est suffisant pour celui pour qui le suffisant est peu. »28 Le problème de l’âme humaine est que son désir n’ayant pas de bornes, l’impossibilité de le satisfaire réserve des souffrances qui font de l’épicurisme vulgarisé une contradiction dans les termes. Plus je me laisse aller aux plaisirs, plus le manque qui naît de l’impossibilité de tous les satisfaire me fait finalement souffrir. La détermination correcte des limites est au contraire « un aspect fondamental de la thérapeutique épicurienne ».29 Cicéron fait écho à cette nécessité de limiter le désir, puisque « […] l’âme troublée et agitée par les passions ne peut se retenir ni s’arrêter où elle veut […] »30
17Dès l’instant où il se rapporte aux passions, la nécessité de limiter ou de contenir le désir est un invariant de la psychologie antique. Le désir aliène dans l’exacte mesure où un vase percé ne peut jamais être rempli, et condamne l’âme à ne jamais être totalement et durablement comblée. Plutarque fait d’ailleurs remarquer que « […] toutes les passions et maladies sont suivies de ce que nous croyons fuir grâce à elles – l’amour de la gloire mène au discrédit, l’amour du plaisir à la douleur, la mollesse à l’effort, le goût de la domination à la défaite et à la condamnation […] »31Ce qu’il y a de plus terrible, écrit encore Platon, dans cet enchaînement de l’âme aux passions corporelles, « […] c’est qu’il est l’oeuvre du désir, en sorte que c’est le prisonnier lui-même qui contribue le plus à serrer les liens. »32 Les soins que réclame l’âme soumise à l’emprise du désir sont alors de nature manifestement philosophique.
18Si les désirs naturels nous font souffrir, c’est finalement à la vertu que nous devons abandonner nos derniers espoirs de bonheur.33 Mais l’illusion des plaisirs naturels est grande, et l’emprise fascinatrice de la passion tout aussi irrésistible, de sorte que nous ne comprenons pas bien comment les exigences de la vertu pourraient nous rendre heureux. C’est qu’il existe deux formes de bonheur, un bonheur naturel mais illusoire et un bonheur philosophique dont la profondeur réclame un sacrifice.34 Le paradoxe de ce bonheur par le sacrifice tient tout entier à la défaite rationnelle qu’implique le triomphe des passions, mais aussi aux privations et à l’assèchement du désir par lesquels la raison parvient à seulement imposer ses décrets. Dans la mesure où les deux principales instances de l’âme s’opposent, et où, comme le rappelle encore Aristote, « […] il existe dans l’âme quelque chose qui est contre la raison, qui s’oppose à elle, et qui marche contre sa direction […] »35, la victoire de l’une réclame inévitablement la défaite de l’autre, de sorte que le bonheur envisagé du point de vue de la raison – le bonheur philosophique – ne peut paraître que fort ascétique du point de vue des désirs naturels.
19Hiéroclès démontre magnifiquement que la vertu apporte finalement seule le bonheur, car « Celui qui préfère en effet ce qui est agréable et honteux à la fois, même s’il est pour peu de temps amorcé par l’appât du plaisir, ne tarde point, par l’effet de ce qu’il choisit de honteux, à en venir à un douloureux repentir. Mais celui qui préfère le beau et le pénible, bien qu’il soit tout d’abord accablé par son inaccoutumance à supporter la peine, ne tarde pas à voir, par son union avec le beau, sa peine s’alléger, et à jouir enfin par le fait de la vertu d’une pure volupté. En effet, qu’on fasse avec plaisir quelque chose de honteux, le plaisir passe et le honteux demeure. Mais qu’on fasse avec peine quelque chose de beau, la peine passe et le beau reste.»36 Il faut s’arrêter un instant sur la profondeur de ce passage, car Hiéroclès y met la raison et les passions clairement en concurrence du point de vue du bonheur. Or le bien que détermine la raison promet seule d’être heureux, tandis que le plaisir des passions nous fait finalementsouffrir. L’extraordinaire de cette démonstration est qu’elle est quasiment expérimentale, il suffit de songer au malheur qui affecte presque immanquablement ceux auxquels aucun plaisir n’est refusé.
20La véritable échelle du bonheur est donc celle du beau et du honteux et non, contrairement à ce qu’il semble de prime abord, celle de l’agréable et du pénible. Il y aurait alors beaucoup à dire sur la frustration et la contrainte qui, en même temps qu’elles contrarient les droits devenus élémentaires de se distraire et de « profiter de la vie », se présenteraient finalement comme le premier moyen du bonheur. Et si le droit au plaisir ne nous aidait pas à être heureux ? Et si la frustration était finalement la voie du bonheur ? Notre industrie du divertissement répandrait alors le plus grand mensonge métaphysique de tous les temps, celui de l’homme qui tire sa joie de n’avoir jamais rien à surmonter.
21Le soin philosophique de l’âme consiste donc à la détourner de sa pente naturelle – infantile, pourrions-nous dire. « Que toute passion soit donc effacée et l’âme apaisée, - écrit Cicéron – en lui enseignant que ce qui donne naissance au plaisir et au désir n’est pas un bien, et que ce qui produit la crainte ou la peine n’est pas un mal. »37 Or le principal moyen de cette contradiction faite aux passions ne peut tenir qu’à l’usage de leur rivale et ennemie héréditaire.
La fonction thérapeutique du logos
22La raison étant le premier contre-pouvoir des passions qui menacent de nous faire souffrir, la prééminence que la philosophie réserve à cette faculté a bel et bien une fonction thérapeutique. L’exercice de la pensée rationnelle est soin de l’âme dans l’exacte mesure où elle détourne de la maladie du désir, et le logos éclaire les passions sous un jour qui permet de prendre conscience des douleurs qui doivent fatalement leur succéder. La réflexion philosophique permet de surmonter le plus redoutable argument de la partie inférieure de l’âme, à savoir la garantie de l’ivresse, et la fonction thérapeutique du logos consiste essentiellement à faire apparaître que le grand mal du manque et de l’envie ne compense pas le petit bien d’une volupté passagère. L’analyse rationnelle guérit des plaisirs en révélant les mensonges de la séduction, et l’homme rationnel a effectivement une dimension de plus que l’homme séduit. Galien rapporte ainsi une phrase essentielle de Chrysippe : « Une fois que le temps a fait son œuvre et que l’ardeur de la passion se relâche, on peut espérer que lelogos, s’infiltrant et prenant pour ainsi dire possession de la place, présente l’absurdité de la passion (paristanai tên ton pathous alogian). »38 Ici, ajoute André-Jean Voelke, « […] la thérapeutique consiste donc à « présenter » (paristantai) ou « montrer » (paradeiknumai) le caractère irrationnel et discordant de la passion. Cette opération mobilise le logos, et l’on peut certes y voir un retour spontané à la raison où une mise à la raison. »39
23Cette « mise à la raison » est susceptible d’une efficacité pratique beaucoup plus convaincante qu’il peut de prime abord le sembler. L’examen rationnel des passions permet effectivement de prendre un recul qui offre davantage de choix que le cours naturel des désirs. Une telle « prise de conscience » n’est d’ailleurs pas si éloignée de la cure psychanalytique, mais concède au logos philosophique une prééminence que les actuels thérapeutes de l’âme refuseront certainement de lui abandonner.40 La psychanalyse récuse la hiérarchie des facultés sur laquelle repose toute la psychologie antique, et le XXe siècle a effectivement été une lente légitimation du désir en même temps qu’il en a de plus en plus fortement dénoncé la répression. Le psychologue est finalement ici aux prises avec l’idéologie, car la libération des mœurs et des mentalités ne peut être sans lien avec la levée du joug rationnel. Mais il se peut que notre amour de la liberté nous ait poussé à la faute, et que la florescence des passions qui couvrent à présent le tombeau de la morale promette finalement davantage de souffrance que de bonheur.
24Il reste effectivement à prouver qu’au-delà de ses manifestes abus, le rationalisme pratique des anciens ne remplissait pas une fonction de garde-fou dont la levée expose nos générations à la voracité et à l’illimitation du désir dont se défiaient les véritables épicuriens. A présent que des addictions en tout genre menacent les libertins du XXIe siècle, le soin de l’âme réclame peut-être de recourir à une faculté qui est finalement la seule à pouvoir rivaliser avec l’emprise de la passion. Si l’on veut bien convenir que nos désirs naturels ont la puissance de nous faire souffrir, la raison demeure l’antidote dont la psychologie antique connaissait déjà parfaitement les vertus.
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